L'impact environnemental du transport maritime

Rédigé par Kevin Sartor - - Aucun commentaire

Quel est l'impact environnemental (au sens large) du transport maritime?

D'un point de vue général, la consommation d’énergie primaire s’accompagne d’importantes émissions de gaz à effet de serre, dont le CO2, et de polluants atmosphériques qui sont nocifs tant pour l’environnement (augmentation de la température mondiale, eutrophisation des sols...) que pour la santé humaine (l’Organisation mondiale de la santé estime qu’environ 5 % de la population mondiale décède chaque année à cause de la pollution de l’air extérieur qui est largement due aux polluants issus de la combustion des énergies fossiles).

Dans le domaine du transport, le transport maritime est le plus économe en CO2 et représente environ 3% des émissions mondiales [REF]. En effet, ce transport génère deux fois moins d'émissions que le train par tonne transportée et par km alors qu'il produit jusqu'à 10 fois moins d'émissions de CO2 que le secteur routier [REF]. Mais le CO2 n'est que l'une des nombreuses émissions que génère ce secteur... En effet, selon l'organisation mondiale maritime, 50 000 morts seraient causées par le secteur maritime en Europe chaque année [REF] à cause des particules et des émissions de NOx et SOx.

Introduction

Jusqu'il y a quelques années, le secteur maritime était l'un des rares secteurs a ne pas avoir eu de restrictions sévères en termes d'émissions de CO2 ou de polluants. En effet certains navires utilisent des résidus de raffinage et d'autres des combustibles de faible qualité.

Cet article est consacré à estimer les émissions dues au transport maritime pour voir quel est leur impact environnemental.

Au préalable, il est bon de souligner qu'au vu de ces références [REF, REF2, REF3, page 84] qu'il faille maximum 3 jours pour charger et décharger un bateau. D'un autre côté, la durée du trajet est comprise entre 10 et 15 jours pour un trajet États-Unis - Europe alors qu'elle peut atteindre environ 40 jours pour un trajet Chine - Europe. Dès lors il est possible de dire qu'un bateau voyage en mer environ 300 jours par an (pas de sources trouvées concernant la durée de maintenance de ces navires). La durée de vie d'un navire est comprise entre 20 et 30 ans et c'est une des raisons pour lesquelles l'accord de Paris est signé par le secteur maritime, mais ne sera opérationnel qu'en 2050 [REF]. Dès lors le secteur maritime devra(it), en contrepartie, mettre à la mer des navires zéro émissions d'ici 2030 pour atteindre les objectifs de la COP21.

Oxydes de soufre (SOx)

Les émissions de SOx sont issues de l'oxydation du soufre présent dans le combustible. Le transport maritime génère donc de très importantes émissions de SOx car le combustible utilisé par les bateaux lorsque ceux-ci sont dans les océans* peut actuellement contenir jusqu'à 3.5 % de soufre (même si en pratique il semblerait que ce taux soit de 2.5 % [REF]). À titre de comparaison, les combustibles utilisés dans le transport routier (en l'occurrence le Diesel) peuvent contenir au maximum 0.005% de soufre soit au minimum 700 fois moins que celui utilisé dans les navires. Dès 2020, la quantité de soufre présent dans le diesel marin passera à maximum 0.5 % (soit toujours 100 fois plus que les quantités contenues dans le diesel routier) [1 , 2].

Un calcul a été réalisé sur les émissions d'un supertanker [REF] afin de déterminer la quantité de soufre émis dans l'air et celui-ci a montré qu'environ 2.6 tonnes par jour de soufre étaient émises (soit 780 tonnes pour 300 jours de fonctionnement). En termes de SO2, la masse double puisque le soufre se combine à de l'oxygène pour former du SO2. À titre de comparaison, les productions totales belges de SOx étaient en 2017 d'environ 9 100 tonnes par an, dont 100 tonnes pour l'ensemble du secteur du transport [REF].

Avec les futures normes, le niveau d'émissions sera au minimum 5 fois moins important que le niveau actuel (puisque les émissions sont directement proportionnelles au contenu en soufre du combustible et que l'on passerait de 2.5 à moins de 0.5%) même s'il serait possible de réduire ces émissions d'un facteur 100 supplémentaire en imposant un taux de soufre comparable à celui trouvé dans le Diesel des camions (évidemment le coût du combustible sera supérieur et sera répercuté sur les marchandises transportées, ce qui favorisera peut être (ou pas) la production locale de biens).

Oxydes d'azote (NOx)

Le mécanisme de formation des oxydes d'azote est complexe et ne permet pas de considérer uniquement le contenu en azote du combustible pour déterminer les émissions de NOx qui seront générées [REF]

Actuellement la norme Tier II impose des émissions en fonction de la classe du bateau comprises entre 7.7 et 14.4 g de NOx/kWh. Dès 2021, les nouveaux bateaux devront réduire leurs émissions de NOx (2 à 3.4g de NOx/kWh) uniquement lorsqu'ils navigueront dans la mer du Nord, la mer Baltique et la Manche (aucune autre norme n'a été trouvée pour les océans...). À titre de comparaison, le transport routier peut au maximum émettre 0.4 g/kWh depuis 2014 en Europe depuis l'entrée en vigueur des normes d'émissions EURO6 [REF] (au USA, le niveau serait d'environ 0.3 g/kWh [REF]. ll est bon de souligner que les niveaux d'émissions sont obtenus grâce à un traitement complémentaire des fumées sans quoi les émissions seraient plus élevées.

Partant de l'hypothèse que les bateaux actuels émettent au maximum 7 g de NOx/kWh (cas peu conservatif, je l'admets), les émissions journalières seraient d'environ 4.1 tonnes par jour. Sur base de 300 jours où le bateau est en pleine mer, cela représente environ 1200 tonnes par an et par bateau...

À titre de comparaison, les productions belges de NOx étaient en 2017 d'environ 67 100 tonnes par an, dont 32 200 tonnes pour le secteur routier (tout véhicule confondu) [A].

À noter que les chiffres d'émissions annuels de NOx et SOx estimés dans cet article sont du même ordre de grandeur (légèrement inférieurs) que ceux issus d'un rapport de 2005 (page 99), ce qui tend à confirmer l'ordre de grandeur du nombre de jours annuels durant lequel un navire fonctionne par an.

Particules

De nombreuses particules sont émises lors de la combustion d'un moteur Diesel (ou d'un moteur essence à injection directe). Le problème est que la production de particules dépend aussi du combustible (un combustible contenant moins de soufre réduit drastiquement la production de particules émises par un moteur [REF, REF2]). Dans les différentes études référencées dans cet article, le taux serait d'environ 2 à 3 g/kWh pour le secteur maritime alors que le transport routier impose une limite maximale de 0.01 g/kWh [REF] (le transport maritime émet au minimum 200 fois plus de particules. Toutefois, l'adoption d'un combustible moins soufré devrait réduire les émissions des navires à 0.1 g/kWh

Hydrocarbures imbrûlés (HC) et monoxyde de carbone (CO)

Ces deux émissions sont le résultat d'une mauvaise combustion qui diminue le rendement des moteurs et donc augmente les coûts de fonctionnement. Il est dès lors susceptible de penser que ces émissions ne sont pas plus élevées que les moteurs traditionnels.

En effet, les hydrocarbures imbrûlés peuvent être considérés comme étant la partie du combustible qui arrive dans le moteur et qui est rejetée à l'atmosphère (ce n'est donc pas intéressant financièrement d'avoir des émissions importantes de ce type).

Pour le CO, les moteurs marins sont des moteurs Diesel qui de par leur fonctionnement (régime pauvre) génèrent généralement beaucoup moins de CO que leur équivalent essence. Il est dès lors peu probable que les émissions de CO d'un moteur marin soient importantes.

Les normes pour le transport routier sont de 1.5 g/kWh de CO et de 0.13 g/kWh de HC. Un calcul montre en effet que les émissions rejetées par un supertanker' seraient du même ordre de grandeur à savoir 1.1 g/kWh de CO et de 0.1 g/kWh de HC [REF] (les émissions de CO de ce calcul semblent d'ailleurs être corroborées par cet article scientifique qui mesure à plusieurs charges différentes et deux combustibles les émissions de CO qui sont systématiquement inférieures à 1 g/kWh [REF].

 

* à l'approche des ports ou des zones peuplées, les navires doivent généralement utiliser un combustible plus propre pour limiter l'impact local de leurs émissions même si en pratique il semble que ce ne soit pas toujours appliqué [REF]

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